Brigitte Bardot, la femme qui parlait à la mer : adieu à la dame de La Madrague

© LUC FOURNOL / PHOTO12 - Crédit photo © Paris Select Book

Elle avait choisi de se retirer du monde face à la Méditerranée, derrière les volets bleus de La Madrague. Avec la disparition de Brigitte Bardot, c’est toute une idée de la liberté, solaire et fragile, qui s’éteint à Saint-Tropez.

Dans la petite maison blanche aux volets bleus, sur la route des Canebiers, le temps s’était arrêté depuis longtemps. Brigitte Bardot y vivait presque recluse, entourée d’animaux, loin des plateaux de cinéma, des plateaux télé et des tapis rouges. Celle qui avait embrasé le monde avec Et Dieu… créa la femme avait fini par ne plus supporter le vacarme de la célébrité. Elle lui a préféré le ressac, le vent dans les pins et la compagnie silencieuse de ses chiens et de ses chèvres.

La Madrague, une maison les pieds dans l’eau

Tout commence en 1958. Sur les conseils de ses parents, déjà installés à Saint-Tropez, Brigitte visite une maison de pêcheur à vendre, les pieds dans l’eau, près de la plage des Canoubiers. Coup de foudre immédiat. Elle achète La Madrague sur-le-champ, pour 24 millions d’anciens francs.

La maison n’a rien d’un palais. Un muret léché par les vagues, des tuiles patinées, des volets bleu pâle, un jardin où s’emmêlent pins et tamaris. Le luxe, ici, c’est la discrétion. Le matin, la lumière glisse sur la baie, presque dorée. Le soir, le ciel se teinte de rose derrière les mâts au mouillage. Bardot voulait vivre “les pieds dans l’eau” : le décor lui obéit à la lettre.

Très vite, La Madrague devient le théâtre d’étés romanesques, que les journaux parisiens guettent à distance. On y croise Sacha Distel, Alain Delon, Jean-Paul Belmondo… Les arrivées se font en Riva, les rires débordent tard dans la nuit. En 1966, Gunter Sachs, amoureux flamboyant, fait pleuvoir des pétales de roses sur la maison depuis un hélicoptère. Une scène digne d’un film, mais qui appartient à sa vie.

En 1963, Bardot donnera à ce refuge une chanson, La Madrague, douceur un peu mélancolique qui raconte la fin de l’été, les chaises empilées, les bateaux qui repartent. Le titre est inspiré directement de sa maison de Saint-Tropez, dont elle fait le décor du clip, tourné au bord de l’eau.

Du décor de fêtes au refuge des animaux

Au fil des années, le bruit se tait. Brigitte Bardot tourne son dernier film en 1973, puis décide de quitter le cinéma pour se consacrer entièrement à la cause animale. La Madrague change alors de rôle : d’adresse mondaine, elle devient refuge. Les invités les plus réguliers sont désormais les chiens, chats, oies, moutons et chèvres qu’elle recueille. Bardot répète souvent qu’elle “vit chez ses animaux”.

En 1992, elle fait don de la propriété à la Fondation Brigitte-Bardot, dont elle garde l’usufruit, afin d’en assurer la pérennité au service de ses combats. Dans le jardin, des petites tombes simples veillent sur les compagnons disparus, nichées entre les oliviers. Elle a aussi exprimé le souhait qu’après sa mort, La Madrague devienne un musée dont les recettes seraient reversées à sa fondation, et d’être enterrée là, au milieu de ses animaux.

Jusqu’à ses derniers jours, elle continue de signer des communiqués, de s’emporter contre la chasse à courre ou les corridas, depuis cette maison devenue poste avancé d’un militantisme sans relâche.

Saint-Tropez, le théâtre d’une légende française

Difficile d’imaginer Saint-Tropez sans Brigitte Bardot. Le petit port de pêche et la jeune actrice se sont façonnés l’un l’autre, jusqu’à devenir indissociables. La baie des Canoubiers est désormais connue dans le monde entier pour cette maison discrète que l’on devine derrière les pins : La Madrague.

L’été, les bateaux de promenade ralentissent toujours devant la propriété. On l’aperçoit au ras de l’eau, presque timide, protégée par son mur et deux avancées de pierre obtenues par dérogation, pour tenir les paparazzi à distance.
Les passagers lèvent la tête, espérant entrevoir un volet entrouvert, une silhouette sur la terrasse. Depuis des années, Bardot ne se montre plus. Mais la simple ligne de toiture suffit à convoquer tout un imaginaire : robes vichy, cheveux relevés, rires sur le port à la tombée du jour.

À Paris, on retrouve parfois cet esprit tropézien dans certains palaces et rooftops qui jouent la carte Riviera : lignes épurées, rosé bien frais, nappes en lin blanc, comme un écho urbain aux étés de La Madrague. De Saint-Tropez aux toits de la capitale, l’ombre de Bardot continue d’inspirer la manière dont on rêve la Méditerranée.

Une légende de lumière… et ses ombres

Brigitte Bardot laisse une empreinte immense sur le cinéma, la mode et la culture populaire. Ses rôles dans Et Dieu… créa la femme, Le Mépris ou La Vérité ont redéfini la représentation du désir féminin à l’écran et fait d’elle un symbole de liberté dans l’Europe d’après-guerre.Son allure – ballerines, œil charbonneux, chignons négligés – continue d’inspirer les créateurs et les photographes.

Son engagement pour les animaux, lui, a changé le regard de tout un pays sur les fourrures, les abattoirs, les élevages industriels. Sa fondation reste l’une des plus actives sur ces sujets

Mais sa trajectoire comporte aussi des zones plus sombres. Ses prises de position publiques, ses déclarations contre l’immigration et l’islam lui ont valu plusieurs condamnations pour incitation à la haine, et ont profondément choqué.L’icône se double alors d’une figure polémique, divisant l’opinion française.

Reste que, ce soir, en pensant à La Madrague, on imagine surtout une femme fatiguée du vacarme, cherchant la paix dans le bruit de la mer. Une Parisienne devenue tropézienne, qui aura vécu selon son propre scénario, parfois violent, souvent bouleversant, toujours libre. Sur la plage abandonnée, les “coquillages et crustacés” de sa chanson semblent soudain prendre la couleur du deuil. Pourtant, dans la mémoire collective, Brigitte Bardot restera longtemps cette silhouette blonde ouvrant un vieux portail sur la Méditerranée.

📍 Infos pratiques

La Madrague – maison de Brigitte Bardot
La Madrague, route des Canebiers, 83990 Saint-Tropez, France
Propriété privée, ne se visite pas.
On peut seulement l’apercevoir depuis la mer, lors des promenades en bateau au départ du port de Saint-Tropez.

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